Convention collective infirmière : comprendre, défendre et valoriser votre métier #
Les fondements juridiques des accords collectifs pour infirmières #
Les conventions collectives infirmières trouvent leur origine dans l’évolution du droit du travail français et la structuration progressive des métiers de la santé depuis les années 1940. Chaque secteur – fonction publique hospitalière (FPH), établissements privés (notamment via la CCN 51- FEHAP, CCN 66-Croix-Rouge française, CCU-entrant en vigueur en 2022) et exercice libéral – dispose de référentiels adaptés aux spécificités de chaque mode d’exercice.
Les conventions collectives servent à définir un socle commun de droits et devoirs. Elles encadrent :
- Les règles d’embauche et de rupture du contrat
- La définition des missions et des responsabilités propres aux infirmiers et infirmières
- Les garanties minimales de rémunération (traitement indiciaire, salaires de base, primes obligatoires)
- Les congés spécifiques et droits à la formation
- Les dispositifs de protection sociale (arrêts maladie, maternité, santé au travail)
Ces textes sont négociés entre les fédérations syndicales majeures du secteur (ex : CFE-CGC Santé-Social, CFDT Santé-Sociaux, CGT Santé), les représentants des employeurs (Fédération hospitalière de France, Fédération des établissements de santé privés) et, pour les infirmières libérales, l’Assurance Maladie. Les grandes révisions conventionnelles, comme la réforme de la FPH en 2022 ou la signature de la convention nationale des infirmiers libéraux en février 2025, témoignent d’une adaptation permanente aux réalités du terrain et aux avancées du secteur médical.
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Structures et particularités de la convention nationale des infirmiers libéraux #
Le champ de l’exercice libéral est régi par la Convention nationale des infirmières et infirmiers libéraux, actualisée en février 2025 par l’Assurance Maladie en partenariat avec les syndicats professionnels (ex : FNI, Convergence Infirmière, ONI). Ce texte définit le cadre de la pratique en ville et en zone rurale pour près de 130 000 infirmières libérales enregistrées en France métropolitaine et outre-mer.
Parmi les points structurants du dispositif conventionnel :
- Définition précise des actes remboursables : Les actes sont codifiés selon la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP), actualisée en 2024 pour intégrer notamment les missions élargies (ex : vaccination Covid, surveillance post-AVC, soins palliatifs).
- Fixation des tarifs de base pour chaque acte, indexés sur la valeur de la lettre-clé (au 28 juillet 2023, AMI 1 = 3,15€ hors majorations).
- Introduction d’une évolution triennale des tarifs, prévoyant une clause de revoyure selon l’évolution de la charge de travail et les recommandations de la Haute Autorité de Santé.
- Obligation de télétransmission SESAM-Vitale et de déclarations d’activité précises (DAJ, téléservices via ameli.fr), sous peine de sanctions administratives ou financières.
- Mécanismes de régulation conventionnelle avec quotas sur certaines zones sous-dotées, encadrant les implantations.
La convention nationale libérale protège le libre choix du patient et l’indépendance clinique de l’infirmier, tout en imposant des contraintes strictes de facturation et d’exercice. La dernière signature (26 février 2025) introduit des mesures spécifiques sur la prévention des fraudes, l’actualisation systématique des cotations pour les nouveaux actes, et une révision du système de calcul de la rémunération liée à la coordination pluriprofessionnelle.
Grilles salariales, primes et évolution de carrière en établissement #
En établissement public comme dans le privé, la rémunération des infirmières s’organise autour de références collectives indiscutables qui sécurisent le parcours professionnel et garantissent l’équité entre soignants.
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Dans la fonction publique hospitalière (FPH), la grille indiciaire fixe les salaires selon le grade, l’échelon et l’ancienneté. Les données INSEE 2020 indiquent un salaire moyen net de 2 420 €, avec une évolution mécanique fondée sur le passage d’un échelon tous les 2 à 3 ans. En 2025, le point d’indice reste fixé à 4,92278 €.
- Grille FPH 2025 (échelon 1 à 8) :
- Échelon 1 : 1 970 € net/mois (infirmier débutant)
- Échelon 6 : 2 405 € net/mois (env. 13 ans d’ancienneté)
- Échelon 8 (fin de carrière) : 2 950 € net/mois
- Majoration de 25 % pour les heures de nuit (décret de février 2024)
- Primes et indemnités spécifiques :
- La Prime Veil : 90 €/mois (brut), pour reconnaissance de la pénibilité
- Indemnité forfaitaire de sujétion : jusqu’à 205 €/mois
- Majoration dimanche/jours fériés : jusqu’à 40 %
- Primes annuelles (ex : prime Ségur, revalorisée en 2023, jusqu’à 250 €/mois dans certains CHU, ex : CHU de Strasbourg)
- Dans le secteur privé (CCN 51, CCN 66), l’évolution salariale se base sur l’ancienneté et sur des négociations annuelles, variant de 1 700 à plus de 2 700 € net selon le poste et la région.
La clarté de ces grilles salariales représente une garantie de progression prévisible, même si le gel du point d’indice limite les revalorisations en 2025, au profit d’une hausse ciblée des primes.
Secteur | Salaire Net Débutant (€) | Salaire Net Fin de Carrière (€) | Primes Notables | Majoration Nuit/Dim. |
---|---|---|---|---|
FPH | 1 970 | 2 950 | Prime Veil, Ségur, indemnité de sujétion | +25 % nuit, +40 % dimanche/jours fériés |
Privé (CCN 51) | 1 700 | 2 700 | Prime ancienneté, prime technique | Majoration négociée localement |
L’ancienneté, les spécialisations (bloc, anesthésie, puériculture…), et la mobilité vers des fonctions d’encadrement (cadre de santé) contribuent à une réelle perspective d’évolution, bien que le ressenti terrain souligne une sous-valorisation dans certaines structures privées ou à but non lucratif.
Dernières évolutions et enjeux récents des accords collectifs #
L’actualité des conventions collectives infirmières a été marquée par des chantiers structurels majeurs depuis 2023 : la Réforme Infirmière 2025 du ministère de la Santé (portée par Frédéric Valletoux, ministre délégué), la consolidation du dispositif Ségur et le maintien du gel du point d’indice malgré une inflation annuelle dépassant 3,9 %.
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Les points de tension, recensés lors des négociations 2023-2025, révèlent des divergences marquées entre le secteur public et l’exercice libéral :
- Blocage du point d’indice FPH : la dernière revalorisation remonte à sur juillet 2022.
- Élargissement des missions libérales (protocoles de coopération avec les médecins, entérinés dans la convention 2025) sans compensation financière suffisante : hausse de 2,2 % de la charge de travail pour les IDEL selon une étude menée par URPS Infirmiers Île-de-France.
- Réduction de l’indemnisation maladie dans le public : taux de remplacement tombé à 90 % sur trois mois (décision de février 2024).
- Quelques acquis récents (revalorisation Ségur, prime Veil) mais grilles FPH figées : augmentation moyenne de 2,5 % du pouvoir d’achat seulement, selon INSEE 2024.
Lors du salon SANTEXPO 2024 à Paris Porte de Versailles, la FNESI (Fédération Nationale des Étudiants en Soins Infirmiers) a rappelé l’urgence de revoir les référentiels de compétences pour faire face aux nouvelles exigences de santé publique (vieillissement, déserts médicaux, développement de la télémédecine).
L’écart persistant de rémunération public/privé/libéral nourrit le débat. Les syndicats pointent l’insuffisance des mesures face à une surcharge chronique et à la dégradation du pouvoir d’achat institutée par le gel du point d’indice et des revalorisations ciblées souvent jugées insuffisantes.
Protection sociale, conditions de travail et prévention des risques #
Les droits sociaux ouverts par les conventions collectives apportent des garanties fondamentales pour l’ensemble du secteur. Les points de vigilance actuels :
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- Congés annuels : minimum légal à 25 jours ouvrés par an, complétés de jours d’ancienneté (jusqu’à 30 dans la FPH)
- Arrêt maladie : taux de remplacement réduit à 90 % dans la fonction publique, indemnisation libérale variable selon le contrat de prévoyance
- Mutuelle santé obligatoire pour infirmières salariées du privé (Article L911-7 du Code de la sécurité sociale), optionnelle en libéral, souvent souscrite via La Mutuelle du Rempart, Malakoff Humanis, ou MGEN pour la FPH
- Prévention des risques professionnels : plan d’action coordonné par le Service de Santé au Travail, obligatoire dans les hôpitaux et fortement recommandé en libéral
- Reconnaissance de la pénibilité : accès au compte professionnel de prévention (ex C2P), prise en compte de l’exposition à certains risques (travail de nuit, expositions infectieuses, ports de charge)
- Mise en conformité obligatoire avec la Directive Européenne 2019/1832 sur la prévention des troubles musculosquelettiques (intégrée à la réglementation française en 2024)
Certaines avancées, comme l’harmonisation des droits aux arrêts maladie ou la systématisation des enquêtes AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles), ont permis d’améliorer certains volets, mais des écarts majeurs persistent, notamment entre la couverture des salariés du secteur privé (fortement protégés par la collective CCN51/FEHAP) et celle des professionnels indépendants.
Les débats couvrent la reconnaissance des pathologies professionnelles liées à l’exposition aux risques infectieux (Covid-19, tuberculose), les restrictions administratives sur l’attribution des congés longue durée et la demande portée par l’Association Nationale des Infirmiers et Infirmières Diplômés d’État (ANIIDE) pour un renforcement des droits sociaux en libéral.
Pourquoi se mobiliser autour de l’actualisation des conventions collectives ? #
Nous constatons depuis 2022 une mobilisation accrue autour de la nécessité d’actualiser les conventions collectives pour mieux prendre en compte la transformation rapide du métier et les nouveaux défis du système de santé. Observer la portée des textes collectifs, rester à jour sur les évolutions réglementaires et participer aux négociations sont des leviers pour garantir une représentation efficace des intérêts infirmiers.
Les raisons qui motivent à s’impliquer dans la défense des droits :
- Anticiper l’évolution des missions et spécialités (développement de l’infirmier en pratique avancée (IPA), extension des vaccinations, coordination pluridisciplinaire)
- Préserver le pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation soutenue et de gel des revalorisations indiciaires
- Renforcer la qualité de vie au travail (action sur les amplitudes horaires, le droit à la déconnexion, équilibre vie pro/perso)
- Promouvoir une meilleure reconnaissance sociale (valorisation financière, accès à la formation continue, mobilité professionnelle)
- Soutenir les demandes syndicales historiques : relèvement des seuils d’effectifs, requalification des ratios patients/soignant (objectif défini au plan Ma Santé 2022)
- Assurer l’effectivité de la représentation du personnel lors des négociations (rôle des CSE, commissions paritaires, URPS dans le libéral)
- Veiller à la pérennité des acquis sociaux face aux réformes successives (Ségur, réforme 2025)
Les prochaines échéances nationales pour les révisions conventionnelles sont fixées à novembre 2025 pour la FPH et janvier 2026 pour la CCN51, avec la perspective d’une nouvelle refonte de la NGAP portée par l’Assurance Maladie dès mars 2026. Pour garantir l’avenir du métier, une participation proactive reste la meilleure assurance d’obtenir des avancées concrètes et pérennes.
Plan de l'article
- Convention collective infirmière : comprendre, défendre et valoriser votre métier
- Les fondements juridiques des accords collectifs pour infirmières
- Structures et particularités de la convention nationale des infirmiers libéraux
- Grilles salariales, primes et évolution de carrière en établissement
- Dernières évolutions et enjeux récents des accords collectifs
- Protection sociale, conditions de travail et prévention des risques
- Pourquoi se mobiliser autour de l’actualisation des conventions collectives ?